Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon – Jean-Paul Dubois

D’ une ville rose, Toulouse, centre embryonnaire du Monde de Jean-Paul Dubois, partez découvrir en anthropologue les parcours de vie au gré des rencontres : Il faut bien s’ancrer avant de semer une multitude de personnages sur plusieurs continents .

Si le récit s’ouvre dans une cellule ou « condo » de 6 mètres carrés, il nous emmène vers des horizons, à la lumière diaphane du Temps scandinave, des lacs aux circonférences marines au Québec, des forêts sans autre clairière que celle de l’Amour en Yukon, des immensités que seul l’ hydravion permet de relier les unes aux autres.

C’est un livre- accordéon dédié aux mille servitudes, altérités, traditions, langues dont les humains qui peuplent ses contrées sont constituées .

Et de fait ce monde n’est vécu par aucun d’entre eux de façon identique mais avec la même aptitude de grandeur ou faiblesse selon les aléas de vie auxquels ils se trouvent confrontés.

« Je suis né à Toulouse, dans la chambre que l’on m’a attribuée, deux personnes me regardent dormir, Ana Margerit, ma mère….. Johanes Hansen, mon père … je serai Paul Christian Frédéric Hansen .Tous deux semblent satisfaits du produit fini ».

Pourquoi, Paul se retrouve-t-il habitant une cellule ou « Condo », colocataire d’un massif biker, sensible et un zeste fêlé, à la prison de Bordeaux au Québec, plusieurs décennies plus tard ?

Pourquoi ne parvient – il au sommeil ou à la paix qu’en invoquant ses morts ?

Quel méandre de vie l’a déposé ici ? Quel amalgame de faits l’a fait dévissé ?

A quel instant , insidieusement , le théâtre du Monde l’a-t-il costumé en prisonnier ?

Il faut, lecteur, saisir l’amarre et remonter le courant, connaître dans les détails : la vie, les caractères, les malentendus, les emportements des Ascendants, traverser l’Atlantique avec le héros devenu adulte, jusqu’au mouillage sur les rives québecoises, pour avancer dans l’intrigue romanesque .

Mais est – ce le nœud consistant du roman ou un simple prétexte, cet enfermement? N’est ce pas plutôt l’étude approfondie des nombreux personnages : leurs histoires, leurs racines, leurs vertus, leurs vices, leur force fondatrice ou leur faille originelle, leur passion sportive, musicale qui fait la fleur de sel du récit et son dénouement?

L’auteur brosse une communauté grouillante de gens peu ou prou ordinaires, nos semblables , venus au monde et qui tentent de l’habiter du mieux qu’ils le peuvent avec tendresse, fraternité, sincérité, loyauté, rythme mais se heurtent aux embûches tentatrices, aux fluctuations violentes de ce dernier – Lorsque la colère gronde , l’explosion suit .

« Ce jour là, comme de la mauvaise bile, une phrase tourna dans ma bouche…..un évêque connu pour son mépris, conseillait à un alter-ego de rudoyer la piétaille sans ménagement : « tu verras, l’humain est docile » .Docile jusqu’au point de rupture.La Révolte !

Tous les hommes n’écrivent pas le monde de la même façon, le style de Jean-Paul Dubois est fait de cette lumière unique danoise( je l’ai vue) attirant vers elle les plus grands peintres de cette péninsule, de ce souffle qui embrase le Nord canadien. De ces accents et expressions dénonçant les origines.

«Cette langue presque étrangère faite d’insolence, de fureur, d’irrespect, d’humour qui bombardait la vie, à chaque instant, avec des phrases à réveiller les morts ».

Chaque mot est pur jus, pur cru, précis,  vecteur d’images-fenêtres, grandioses sur les espaces traversés, de sonorités éclectiques , riche de détails très référencés dans l’évocation sportive, professionnelle, religieuse : une mine de vocabulaire diamantine et non amiantée !une épopée harmonique !  C’est de l’Art !du Grand !

4 commentaires sur “Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon – Jean-Paul Dubois

  1. J’ai adoré ce roman à la fois simple et original, surtout ses personnages humbles, monsieur tout le monde, mais traités avec amour et attention par l’auteur et Paul le personnage principal, ou avec un humour discret pour son compagnon de cellule. Sa géographie particulière nous fait parcourir le monde du Danemark à la France, au Canada et retour, à la suite de leur parcours de vie et leur dérive, entre beauté et paysages de mines dévastés.
    À lire absolument, sans parler de découvrir ses précédents romans.
    Chantal

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  2. Ah Merci Chantal de ce commentaire qui traduit si bien l’essentiel du roman ! on sent la prof et la maîtresse en écriture qui tord le fruit de son meilleur jus ! Parfois et selon les péripéties , le roman tient du castor junior !
    C’est tellement nous ce Paul Jansen, ballotté au gré des courants contraires ou porteurs( ton mari grand navigateur de l’Inutile-voilier y humera les vents qui font une traversée réussie) Amiral Denise

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  3. Il est vrai que le héros, Paul Hansen tisse un trait d’union entre plusieurs personnages : ses parents , ascendants danois , les habitants de l’Excelsior , sa compagne, et surtout son codétenu poétiquement caricaturé dont les vies sont extrêmement fouillées .
    Pour aller de Toulouse au Quèbec , nous passons par de multiples chemins de traverse qui sont autant de caractères détaillés comme si l’auteur avait du mal à les abandonner au détriment d’un seul héros.- Au cinéma ,on dirait que tous les rôles secondaires ont de l’étoffe .
    Et si parfois on se perd dans les détails , le fil n’est jamais loin auquel le lecteur se rattrape pour connaître le dénouement de la trame policière.- la chute peut laisser perplexe mais l’écriture est souveraine !!! et le propos si humain !!!
    Quant à » leurs enfants après eux » de Nicolas Mathieu , lisez ma chronique , j’ai adoré ce roman jubilatoire, terriblement sensuel voire sexuel et en rien miserabilis – le style laisse pantois !!!
    Merci de l’échange livresque , c’est super d’entrecroiser les avis .

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